Santé buccale et Alzheimer : un lien possible

La maladie d’Alzheimer serait-elle liée à une infection des gencives? C’est la question a priori saugrenue que se sont posé des scientifiques pour comprendre le phénomène Alzheimer alors que le cap du million de malades atteints en France devrait être franchi en 2020.

La « Porphyromonas gingivalis », une bactérie buccale, est observée de près. Car elle est soupçonnée d’être liée à la maladie d’Alzheimer. Même si beaucoup d’éléments restent à démontrer, la recherche récente suggère que le fait de ne pas se brosser les dents et maintenir cette inflammation des gencives, pourrait accélérer le développement de cette maladie et l’arrivée des premiers symptômes.

Interrogé dans une émission de France Culture (lien en fin d’article), Philippe Amouyel, professeur de santé publique au CHU de Lille, directeur de la Fondation Alzheimer, responsable d’une unité Inserm qui travaille sur les maladies liées au vieillissement, auteur notamment de « Le guide anti-Alzheimer » (voir article de notre rubrique « Quoi de neuf dans l’actu?) explique : « Depuis quelques années, des expériences sont menées qui examinent le cerveau de personnes décédées suite à la maladie d’Alzheimer. Les chercheurs se sont rendu compte que certains germes présents dans le cerveau, en particulier le « Porphyromonas gingivalis », à l’origine de  de ces petits saignements ou rougeurs en cas de mauvaise hygiène dentaire, sont davantage présents chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer que ceux qui n’en avaient pas. »

La bactérie secrète une enzyme destructrice, la gingipaïne, responsable de l’inflammation des gencives, qui passerait par la circulation sanguine via des petits vaisseaux de la bouche et irait se déposer dans le cerveau. On la retrouve en grande quantité dans le cerveau des sujets infectés, provoquant une inflammation de l’hippocampe, zone responsable de la mémoire.

Un lien établi sur les souris

Pour vérifier cette hypothèse, l’expérience a été menée chez les souris par une équipe de l’Université de l’Illinois à Chicago (article dans la revue PLOS One en octobre 2018), qui a déposé ce germe « Porphyromonas gingivalis » sur leurs dents. Les chercheurs ont observé que les souris développaient de  petits troubles proches de ce qu’on peut décrire chez les malades d’Alzheimer (présence de plaques amyloïdes et de protéine Tau anormale, diminution de neurones).

Et Philippe Amouyel de préciser avec précaution: « On n’a pas réussi à démontrer que si vous vous brossez les dents vous n’aurez pas Alzheimer, loin s’en faut. Ce que l’on peut dire, c’est que les phénomènes qui sont associés au non brossage des dents et la prolifération de ces bactéries, pourraient être associés à une accélération de la maladie. » Mais d’ores et déjà cette découverte ouvre de nouvelles perspectives de traitement par la voie buccale via des inhibiteurs de l’enzyme toxique.

Sources : Fondation Alzheimer, sciencesetavenir.fr, franceculture.fr